Les biotechnologies occupent aujourd’hui une place prépondérante dans le monde de la recherche, de l’industrie pharmaceutique et de l’agriculture. Leur développement rapide soulève néanmoins des questions éthiques et juridiques quant à la possibilité de breveter les organismes vivants et leurs composantes. Cet article se propose d’explorer le droit des biotechnologies et les enjeux liés aux brevets sur le vivant.
Le cadre juridique des biotechnologies
Le droit des biotechnologies est un ensemble complexe de règles nationales, européennes et internationales visant à encadrer les activités liées à la manipulation du vivant. Ces règles touchent notamment à la propriété intellectuelle, au travers de la délivrance de brevets, qui confèrent à leurs titulaires un monopole temporaire d’exploitation sur leurs inventions.
Au niveau international, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) prévoit que les inventions relevant du domaine des biotechnologies peuvent être brevetables si elles sont nouvelles, impliquent une activité inventive et sont susceptibles d’application industrielle. Toutefois, cet accord exclut explicitement les méthodes de diagnostic, les méthodes thérapeutiques ainsi que les variétés végétales.
Brevetabilité du vivant : un équilibre délicat entre innovation et éthique
La question de la brevetabilité du vivant soulève des enjeux éthiques majeurs. En effet, les biotechnologies permettent notamment de manipuler le génome des organismes vivants, ce qui peut conduire à la création d’organismes génétiquement modifiés (OGM), de cellules souches ou encore d’animaux transgéniques.
Certaines voix s’élèvent pour dénoncer une appropriation du vivant par les entreprises et les chercheurs, arguant que les organismes vivants ne devraient pas être considérés comme des inventions. Pourtant, l’octroi de brevets sur le vivant peut également être vu comme un levier d’innovation, permettant de financer la recherche et de protéger les investissements réalisés dans ce domaine.
En Europe, la Directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques tente de concilier ces impératifs en posant certaines limites à la brevetabilité du vivant. Ainsi, il est prévu que les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux ne sont pas brevetables. De même, ne peuvent être brevetées les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
L’impact des brevets sur le vivant dans le secteur agricole
Dans le domaine agricole, les brevets sur le vivant ont également suscité de vifs débats. En effet, certaines entreprises ont obtenu des brevets sur des variétés végétales génétiquement modifiées, tels que le fameux maïs transgénique MON810 de Monsanto, dont la culture est aujourd’hui interdite dans plusieurs pays européens.
Ces brevets peuvent avoir des conséquences importantes sur l’agriculture et la biodiversité, en favorisant la concentration du marché des semences au profit de quelques grandes firmes et en réduisant la diversité génétique des cultures. Pour tenter d’y remédier, l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) a mis en place un système de protection spécifique pour les obtentions végétales, fondé sur un droit sui generis distinct du brevet.
Les défis futurs du droit des biotechnologies et des brevets sur le vivant
Face à l’évolution rapide des technologies et aux enjeux éthiques qu’elles soulèvent, le droit des biotechnologies et les règles relatives aux brevets sur le vivant doivent sans cesse s’adapter. Parmi les défis auxquels ils devront répondre figurent notamment l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, ainsi que la question cruciale de la responsabilité en cas de dommages causés par les inventions biotechnologiques.
Il est donc indispensable pour les juristes, chercheurs, entreprises et décideurs politiques de travailler ensemble afin de trouver des solutions équilibrées et durables permettant de concilier l’innovation, le respect de l’éthique et la protection de la diversité biologique.